L’armée égyptienne a beau compter un demi-million de soldats et être puissamment équipée, elle enchaîne les revers face au millier d’insurgés jihadistes du Sinaï.
Evacuation des blessés après l’attaque du 24 novembre 2017 contre une mosquée du Nord-Sinaï.
Depuis la chute du pseudo-califat que Daech avait installé entre l’Irak et la Syrie, la « Province du Sinaï » est la branche la plus active de l’internationale jihadiste. Elle a perpétré en novembre dernier le massacre le plus sanglant de l’Egypte contemporaine, avec 311 personnes tuées en pleine prière du vendredi, dans une mosquée de Bir al-Abed, au Nord-Sinaï. Le président Sissi a réagi avec la même virulence à ce drame qu’aux attaques qui l’avaient précédé, s’engageant à « restaurer la stabilité et la sécurité » du Sinaï, cette fois dans un délai de trois mois. Mais les jihadistes continuent de garder l’initiative, avec, peu après, le tir d’un missile contre un hélicoptère militaire (3 tués, dont le directeur de cabinet du ministre de la Défense).
L’ARMEE EGYPTIENNE EN « TERRITOIRE OCCUPE » AU SINAI
La brutalité de la répression gouvernementale et le caractère aveugle de ses représailles collectives ont transformé un groupe initialement marginal, et tourné vers la guérilla anti-israélienne, en une formation solidement enracinée dans la population bédouine. Celle-ci représente les deux tiers des six cent mille habitants du Sinaï, le tiers restant se répartissant entre Palestiniens et Egyptiens de la « vallée du Nil ». Un récent séjour au Caire m’a convaincu que, aux yeux de la hiérarchie militaire, les bédouins du Sinaï sont considérés globalement comme hostiles et qu’une colonisation systématique de la péninsule par des émigrés de la « vallée du Nil » n’était plus exclue (la population totale de l’Egypte est estimée à 95 millions d’habitants).
Au-delà des difficultés de mise en oeuvre d’un tel transfert de population, cette tentation révèle l’isolement croissant de l’armée égyptienne dans un Sinaï où elle opère comme en « territoire occupé ». Daech s’est en revanche attaché à tisser les relations les plus étroites dans les tribus dont ses cadres sont pratiquement tous issus. Mais les jihadistes n’hésitent pas non plus à éliminer physiquement ceux qu’ils accusent de « trahison ». Le massacre de Bir al-Abed visait en fait moins une mosquée d’inspiration soufie, comme cela a été beaucoup écrit, qu’une communauté disposée à collaborer avec les forces de sécurité. Daech s’est d’ailleurs bien gardé de revendiquer officiellement le carnage, afin de laisser ouverte la possibilité d’une réconciliation avec la tribu concernée. L’impuissance de l’armée égyptienne à protéger les bédouins encore loyalistes joue à plein en faveur de Daech.
UNE PROGRESSION INEXORABLE DE LA TERREUR
La sécurité égyptienne a bouclé l’accès au Nord-Sinaï aux observateurs indépendants et la justice punit lourdement toute publication d’un nombre de victimes supérieur à celui diffusé par l’Etat. Il est cependant avéré que les partisans de Daech dans le Sinaï mènent des opérations de plus en plus complexes, avec destructions de chars et d’hélicoptères de l’armée, et même d’un vaisseau militaire. En juillet dernier, un base de commandos égyptiens, proche de la frontière israélienne, a été la cible d’un assaut coordonné et d’une liquidation en règle.
Une étude reprise par « Le Monde » dénombre 292 membres des forces de sécurité tués au Nord-Sinaï pour la seule année 2017. La même étude considère qu’autant de civils ont été assassinés au Sinaï en 2017 que durant les trois années précédentes. Ces macabres bilans n’incluent pas les attentats perpétrés par Daech dans le reste de l’Egypte, entre autres contre les églises coptes. Cette progression apparemment inexorable de la terreur ne pourrait qu’être accentuée si les rumeurs de transfert dans le Sinaï de cadres de Daech fuyant la Syrie et l’Irak se révélaient fondées.
SORTIR DU DENI DE REALITE
L’incapacité de l’armée égyptienne à reprendre le contrôle du Sinaï est d’autant plus troublante que c’est bien pour récupérer cette péninsule stratégique que le président Sadate avait signé en 1979 la première paix entre un Etat arabe et Israël. Quatre décennies plus tard, les forces égyptiennes bénéficient du soutien discret, mais crucial, de l’armée israélienne dans leurs frappes contre les cibles jihadistes. Cela n’a pas empêché Daech d’exporter sa terreur à partir du Sinaï, avec l’explosion en vol d’un charter russe en octobre 2015 (224 morts), piégé avant son décollage de l’aéroport de Charm al-Cheikh. Et les insurgés jihadistes ont multiplié les provocations à l’encontre d’Israël, laissant planer le risque d’une extension au Sinaï d’un prochain conflit autour de Gaza.
Il n’y a pas l’ombre d’une chance que l’ultimatum de Sissi sur un rétablissement de l’ordre au Sinaï le mois prochain soit suivi d’effet. Il est temps de sortir du déni de réalité. Le bilan calamiteux du régime Sissi en matière de lutte anti-terroriste n’est plus seulement un problème égyptien. Il est devenu, du fait même de la défaillance des forces de sécurité, un enjeu régional, voire international. Il est urgent d’en tirer toutes les conséquences avant que Daech ne renforce encore plus son implantation au carrefour de l’Afrique et de l’Asie.
Attentats dans le Sinaï : l'Égypte en guerre contre l'organisation État islamique
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Egyptian army loses ground in Sinai
The trial of strength between the increasingly repressive government with Muslim brothers and regular attacks by the Islamic State. The escalation of violence in Egypt. Yesterday Sinai was one of the bloodiest days of its history with a wave of attacks. Since its allegiance to IS in November 2014, under the name of "Sinai Province", the group seems to have increased its operational capabilities and accelerated its convergence with the active branches in Syria, Iraq or Libya. Challenges of the Egyptians . Egypt: execution of a well-known IslamistReport ISIS promises a war against "infidels" in Egypt. n The Cairo bombing poses the threat of an expansion of the jihadist organization in the country's capital. Hélène Sallon
Although the Egyptian army has half a million soldiers and is powerfully equipped, it continues the setbacks against the thousand jihadist insurgents of Sinai.
Evacuation of the wounded after the attack of November 24, 2017 against a mosque of North-Sinai.
Since the fall of the pseudo-caliphate that Daesh had installed between Iraq and Syria, the "Sinai Province" is the most active branch of the international jihadist. Last November, it perpetrated the bloodiest massacre of contemporary Egypt, with 311 people killed in Friday prayers at a mosque in Bir al-Abed, North Sinai. President Sissi reacted with the same virulence to this tragedy as to the attacks that preceded him, pledging to "restore the stability and security" of Sinai, this time within three months. But the jihadists continue to keep the initiative, with, shortly thereafter, firing a missile against a military helicopter (3 killed, including the chief of staff of the Minister of Defense).
EGYPTIAN ARMY IN "OCCUPIED TERRITORY" AT SINAI
The brutality of government repression and the indiscriminate nature of its collective retaliation transformed a initially marginal group, turned to anti-Israeli guerrillas, into a formation that was firmly rooted in the Bedouin population. This represents two-thirds of the six hundred thousand inhabitants of Sinai, the remaining third being divided between Palestinians and Egyptians in the "Nile Valley". A recent stay in Cairo convinced me that, in the eyes of the military hierarchy, the Bedouin of Sinai are considered globally hostile and that a systematic colonization of the peninsula by emigrants from the "Valley of the Nile" was no longer excluded (the total population of Egypt is estimated at 95 million).
Breaking News: Bomb attack in a mosque in Egypt's Sinai province ...
Beyond the difficulties of implementing such a transfer of population, this temptation reveals the growing isolation of the Egyptian army in a Sinai where it operates as in "occupied territory". Daesh, on the other hand, has sought to weave the closest relations among the tribes whose cadres are practically all from. But the jihadists do not hesitate to physically eliminate those they accuse of "treason". The Bir al-Abed massacre was actually less a Sufi-inspired mosque, as has been written so much, than a community willing to collaborate with the security forces. Daesh was also careful not to officially claim the carnage, to leave open the possibility of reconciliation with the tribe concerned. The helplessness of the Egyptian army to protect the still loyal Bedouins is playing in favor of Daesh.
Since President Hosni Mubarak was forced to step down in 2011, Egypt has faced difficult times. A lire Les défis des Égyptiens
AN INCREASED PROGRESSION OF TERROR
Egyptian security has sealed access to the North Sinai to independent observers and the justice punishes heavily any publication of a greater number of victims than the one diffused by the State. There is evidence, however, that ISIS supporters in Sinai are carrying out increasingly complex operations, with the destruction of army tanks and helicopters, and even a military vessel. Last July, a base of Egyptian commandos near the Israeli border was the target of a coordinated assault and liquidation in good standing.
A study taken by "Le Monde" lists 292 members of the security forces killed in North Sinai in 2017 alone. The same study considers that as many civilians were murdered in Sinai in 2017 as during the previous three years. These macabre balance sheets do not include the attacks perpetrated by Daesh in the rest of Egypt, among others against the Coptic churches. This seemingly inexorable progression of terror could only be accentuated if rumors of the transfer of ISIS cadres fleeing Syria and Iraq to Sinai proved to be well-founded.
LEAVING THE DENI OF REALITY
The inability of the Egyptian army to regain control of Sinai is all the more disturbing as it is to recover this strategic peninsula that President Sadat signed in 1979 the first peace between an Arab state and Israel. Four decades later, Egyptian forces are enjoying the discreet but crucial support of the Israeli army in their strikes against jihadist targets. This did not stop Daesh from exporting its terror from Sinai, with the explosion in flight of a Russian charter in October 2015 (224 dead), trapped before its takeoff from the airport of Sharm el-Sheikh. And the jihadist insurgents have increased the provocations against Israel, leaving the risk of an extension to Sinai of a future conflict around Gaza.
There is no shadow of a chance that Sissi's ultimatum on a re-establishment of law and order in Sinai next month will be followed by effect. It is time to get out of denial of reality. The calamitous record of the Sissi regime in the fight against terrorism is no longer just an Egyptian problem. It has become, by the very fact of the failure of the security forces, a regional issue, even international. It is urgent to draw all the consequences before Daesh further strengthens its establishment at the crossroads of Africa and Asia.
The Listening Post - The silence in Sinai: Covering Egypt's 'war on terror'
Sinai Province: Egypt's most dangerous group - BBC News , Attacks in Sinai: Egypt at war with ISIS
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El ejército egipcio pierde terreno en el Sinaí
Egipto está inmerso en un enfrentamiento entre el gobierno cada vez más represivo con los hermanos musulmanes y los ataques regulares del Estado Islámico. La escalada de la violencia en Egipto. Ayer, el Sinaí fue uno de los días más sangrientos de su historia con una ola de ataques. Desde su lealtad a IS en noviembre de 2014, bajo el nombre de "Sinai Province", el grupo parece haber aumentado sus capacidades operativas y ha acelerado su convergencia con las ramas activas en Siria, Iraq o Libia. Desafíos de los egipcios . Egipto: ejecución de un conocido informe islamista. ISIS promete una guerra contra los "infieles" en Egipto. n El bombardeo de El Cairo plantea la amenaza de una expansión de la organización yihadista en la capital del país. Hélène Sallon
Aunque el ejército egipcio tiene medio millón de soldados y está poderosamente equipado, continúa los reveses contra los mil yihadistas insurgentes del Sinaí.
Evacuación de los heridos después del ataque del 24 de noviembre de 2017 contra una mezquita de North-Sinai.
Desde la caída del pseudo-califato que Daesh había instalado entre Irak y Siria, la "Provincia del Sinaí" es la rama más activa del jihadista internacional. En noviembre pasado, perpetró la matanza más sangrienta del Egipto contemporáneo, con 311 personas muertas en las oraciones del viernes en una mezquita en Bir al-Abed, en el norte de Sinaí. Presidente Sissi reaccionó con la misma virulencia en este drama como los ataques que precedieron, comprometiéndose a "restaurar la estabilidad y la seguridad" de Sinaí, esta vez dentro de tres meses. Pero los yihadistas continúan manteniendo la iniciativa, con, poco después, disparando un misil contra un helicóptero militar (3 muertos, incluido el jefe de gabinete del Ministro de Defensa).
EJÉRCITO EGIPCIO EN "TERRITORIO OCUPADO" EN SINAI
La brutalidad de la represión del gobierno y de la naturaleza indiscriminada de su venganza colectiva transformó inicialmente un grupo marginal, y se volvió a la guerrilla anti-israelíes en la formación sólidamente arraigadas en la población beduina. Esto representa dos tercios de los seiscientos mil habitantes del Sinaí, el tercio restante se divide entre palestinos y egipcios en el "Valle del Nilo". Una reciente visita a El Cairo me convenció de que, a los ojos de la jerarquía militar, los beduinos del Sinaí se consideran globalmente como una colonización hostil y sistemática de la península por los emigrantes desde el "valle del Nilo" ya no era excluido (la población total de Egipto se estima en 95 millones).
Últimas noticias: Ataque con bomba en una mezquita en la provincia egipcia de Sinai ...
Más allá de las dificultades de implementar dicha transferencia de población, esta tentación revela el creciente aislamiento del ejército egipcio en un Sinaí donde opera como "territorio ocupado". Daesh, por otro lado, ha tratado de entretejer las relaciones más cercanas entre las tribus cuyos ejecutivos son prácticamente todos. Pero los jihadistas no dudan en eliminar físicamente a los que acusan de "traición". La masacre de Bir al-Abed fue en realidad menos una mezquita inspirada en sufíes, como se ha escrito tanto, que una comunidad dispuesta a colaborar con las fuerzas de seguridad. Daesh también tuvo cuidado de no reclamar oficialmente la carnicería, para dejar abierta la posibilidad de reconciliación con la tribu en cuestión. La impotencia del ejército egipcio para proteger a los aún beduinos leales está jugando a favor de Daesh.
UNA PROGRESIÓN AUMENTADA DEL TERROR
La seguridad egipcia ha sellado el acceso al norte de Sinaí a observadores independientes y la justicia castiga fuertemente cualquier publicación de un número mayor de víctimas que la difundida por el Estado. Sin embargo, hay evidencia de que los partidarios de ISIS en el Sinaí están llevando a cabo operaciones cada vez más complejas, con la destrucción de tanques y helicópteros del ejército, e incluso un buque militar. En julio pasado, una base de comandos egipcios cerca de la frontera israelí fue blanco de un asalto coordinado y una liquidación en buen estado.
Una encuesta realizada por "Le Monde" contó 292 miembros de las fuerzas de seguridad muertos en Sinaí del Norte para el año 2017. La única mismo estudio considera que, como muchos civiles fueron asesinados en el Sinaí en 2017 que durante los tres años anteriores. Estos balances macabros no incluyen los ataques perpetrados por Daesh en el resto de Egipto, entre otros contra las iglesias coptas. Esta progresión aparentemente inexorable de terror solo se podría acentuar si los rumores de la transferencia de los cuadros del ISIS que huyen de Siria e Irak al Sinaí demostraron estar bien fundados.
DEJANDO EL DENI DE LA REALIDAD
La incapacidad del ejército egipcio para recuperar el control del Sinaí es aún más inquietante, ya que es para recuperar esta península estratégica que el presidente Sadat firmó en 1979 la primera paz entre un estado árabe e Israel. Cuatro décadas más tarde, las fuerzas egipcias están disfrutando del apoyo discreto pero crucial del ejército israelí en sus ataques contra objetivos yihadistas. Que no paró Daech exportar su terror desde el Sinaí, con la explosión en pleno vuelo de una Carta de Rusia en octubre de 2015 (224 muertos), atrapado antes de despegar del aeropuerto de Sharm el-Sheikh. Y los insurgentes yihadistas han aumentado las provocaciones contra Israel, dejando el riesgo de una extensión al Sinaí de un conflicto futuro en torno a Gaza.
No hay sombra de una posibilidad de que el ultimátum de Sissi sobre el restablecimiento de la ley y el orden en el Sinaí el próximo mes sea seguido por el efecto. Es hora de salir de la negación de la realidad. El calamitoso balance del régimen de Sissi en la lucha contra el terrorismo ya no es solo un problema egipcio. Se ha convertido, por el hecho mismo del fracaso de las fuerzas de seguridad, en un problema regional, incluso internacional. Es urgente sacar todas las consecuencias antes de que Daesh fortalezca aún más su establecimiento en la encrucijada de África y Asia.