Par Challenges le 18.07.2016 à 15h07, mis à jour le 18.07.2016 à 15h07
Les révélations de négociations entre Lafarge et l’Etat islamique en Syrie mettent en lumière les difficultés des grands groupes dans les pays à risques, où éthique et réalité font rarement bon ménage.
Superpatron de la sûreté
Lafarge est pourtant aguerri à ce type de situation. Avec le rachat de l'égyptien Orascom, fin 2007, le groupe s'est trouvé à la tête d'un vaste réseau d'usines en Afrique et au Moyen-Orient. Le géant français -qui réalise un tiers de son résultat dans la zone- se dote d'ailleurs, dès 2008, d'un super patron de la sûreté, Jean-Claude Veillard, un ancien capitaine de frégate des commandos de marine. Ces pays, chauds, nécessitent une vigilance quotidienne. Rien qu'en 2014, Lafarge a vu l'EI incendier son usine syrienne, bloquer les routes de celles du Kurdistan irakien, et Boko Haram en attaquer une autre au Nigeria. Avec une addition salée : 385 millions d'euros de dépréciations.
A chaque fois, la même question: rester ou partir? La première étape, la plus « facile » pour l’entreprise, ne remet pas en cause l’activité: le rapatriement des expatriés et leurs familles. Les commerciaux envoyés dans ces zones sont remplacés par des sous-traitants locaux, des « cross-expatriés » dans le sabir des affaires, souvent des Libanais, des Jordaniens, des Egyptiens. « C’est très cynique, mais ils ont le double avantage d’être des cibles moins évidentes et d’accepter des missions à risques, explique un spécialiste de la sécurité. Ils sont aussi de mieux en mieux formés. » Ultime recours : des ingénieurs un peu têtes brûlées recrutés dans le monde entier par des sociétés spécialisées, comme Geos, pour le compte de l’entreprise. Les choses se corsent quand il faut passer à l’étape suivante : le shut down, qui ne laisse qu’une poignée de locaux chargés de maintenir le site en veille, en « mode skeleton » selon le terme consacré. Politiquement d’abord, le départ est un message à manier avec précaution : « Cela sous-entend que vous n’avez plus confiance dans la capacité des autorités à assurer la sécurité sur leur propre territoire, ce qui peut être très mal perçu », souligne Alexandre Hollander, patron de la société de sécurité privée Amarante. Economiquement, ensuite. On imagine l’hésitation du chef d’entreprise qui, comme pour Lafarge en Syrie, y a investi 600 millions d’euros. Jean- Pierre Vuillerme, ex-directeur de la sûreté de Michelin, se souvient des années noires algériennes : « Lorsque Michelin a laissé son usine sous le gardiennage de 60 locaux, on ne se doutait pas que ça durerait neuf ans, de 1992 à 2001 ! » Plus récemment, en avril 2015, lorsque Total a dû évacuer son site gazier au Yémen à l’approche des rebelles houthis, il y réalisait en moyenne environ 14 millions d’euros de chiffre d’affaires par jour.
Face à cette menace croissante, les gros bras du business musclent leurs états-majors. Total a récemment nommé l’ancien directeur général de la gendarmerie nationale, Denis Favier, directeur de la sûreté. Au-delà des zones de guerre, il s’agit de répondre à une menace diffuse bien plus large que les seuls conflits armés : prises d’otages, criminalité organisée, racket. « En ce moment, les grands défis sont au Venezuela, où on se tire dessus pour de la nourriture, l’Afrique du Sud, certaines parties du Mexique, et de plus en plus de pays asiatiques, tels les Philippines ou le Bangladesh », souligne Kamelia Odeimi, responsable du pôle analyse des risques d’Amarante.
Gare aux partenaires locaux
Comment éviter le shut down ? Le général Didier Bolelli, reconverti chez Geos, en est sûr : « La sécurité n’est plus un mal nécessaire mais un besoin économique. Elle seule donne l’opportunité de continuer le business. » Jean-Pierre Vuillerme a justement monté pour l’agence Adit en 2010 le Centre français des affaires à Bagdad, qui héberge, en zone rouge, une quinzaine de sociétés, comme Thales, Alstom, Schneider ou Sanofi. Il constate : « Faire des affaires dans ces pays dégradés exige d’abord de se trouver un partenaire local de confiance, et un financement transparent et traçable. » A éviter : les « specially designated nationals », ces 9.000 personnes blacklistées par les Etats-Unis. Et connaître le « bénéficiaire économique ultime » de toute transaction, pour ne pas financer sans le savoir une faction armée, un membre du gouvernement ou sa famille, ou toute sorte de fiducie ou trust. « Un deal-breaker absolu », prévient Jean-Pierre Vuillerme.
Reste l’ultime obstacle: la bonne application sur le terrain de ces règles édictées par le siège. Pour Bertrand Bonnet, professeur en management des risques à l’Edhec, « les patrons français ne sont pas encore assez sensibilisés à ces enjeux. Ils ont souvent tendance à 'externaliser' la responsabilité sur un directeur de la sûreté. » Il ajoute : « Malgré leurs beaux discours, ils persistent à sanctionner le dirigeant de filiale sur sa performance purement économique. Au risque qu’il s’assoie sur les règles éthiques… » Lafarge Holcim a annoncé le 27 juin qu’il diligentait une enquête interne. Pas sûr que la justice française et le département de Justice américain s’en contentent.
Alice Mérieux et Vincent Lamigeon
n NEWS/NIGERIA Amnesty: Shell involved in Nigeria abuses in 1990s
Royal Dutch Shell denied it was involved in human rights violations [Jerry Lampen/EPA]
to complicity by Royal Dutch Shell in crimes committed by the Nigerian military during the 1990s.
La complicité de Royal Dutch Shell dans les crimes commis par l'armée nigériane au cours des années 1990.
Le groupe de défense des droits de l'homme a publié mardi un rapport ( released a report ) selon lequel le géant pétrolier anglo-néerlandais et le gouvernement nigérian étaient des partenaires commerciaux, se réunissant régulièrement pour discuter de la protection de leurs intérêts.
À l'époque, les populations Ogoni du sud-est du Nigeria protestaient en réaction à des années de déversements d'hydrocarbures - years of oil spills dans les installations de Shell, qui ont dévasté leur environnement.
Des documents obtenus par Amnesty montrent que, le 29 octobre 1990, Shell a demandé une «protection de sécurité» pour mater des manifestations pacifiques. Au cours des deux jours suivants, la police a attaqué un village Ogoni avec des fusils et des grenades, tuant au moins 80 personnes et brûlant près de 600 maisons.
Néanmoins, Shell a continué à demander l'aide militaire dans les années suivantes, a déclaré Amnesty.
Le groupe des droits a parcouru des milliers de pages de documents et de témoignages de Shell. Les dossiers montrent que Shell a exhorté à plusieurs reprises l'armée nigériane à prendre des mesures contre les protestations de la communauté Ogoni.
Selon l'organisation, Shell a appelé à l'appui militaire de hauts fonctionnaires, même après que les forces militaires aient tué, torturé ou violé de nombreux manifestants.
Les directeurs de Shell à La Haye et à Londres étaient au courant de cela, selon Amnesty.
Dans une déclaration à Al Jazeera, Shell au Nigeria a nié avoir été impliqué dans des violations des droits de l'homme.
"Nous avons toujours nié, dans les termes les plus forts possibles, les allégations faites dans cette affaire tragique", pouvait-on lire dans le communiqué."Les allégations d'Amnesty International sont fausses et dénuées de fondement, Shell n'a pas collaboré avec les autorités pour réprimer les troubles au sein de la communauté et n'a en aucune manière encouragé ou préconisé aucun acte de violence au Nigeria", ajoute le communiqué.
Amnesty a compilé une plainte pour entamer une action en justice contre Royal Dutch Shell.
Le Willem du jour
Ce qui n'empèche pas le boom des affaires
Syrie : derrière la ligne rouge de l’embargo
L’embargo sur la Syrie, depuis 2011, est largement violé. Entre détournements, magouilles et business, certaines entreprises préparent déjà la reconstruction.
Business, détournement de matériels, arrangements… les conséquences de l'embargo sur la Syrie - un reportage de Philippe Reltien
Le Croissant Rouge stocke et distribue l'aide humanitaire en Syrie © AFP / Ghaith Alsayed / Citizenside
L'embargo sur la Syrie est décidé en 2011 par les 28 pays membres de l’Union européenne, en réaction à la répression de Bachar Al-Assad contre son peuple. Il existe aussi des sanctions des Etats-Unis et de l'ONU. Parmi la liste des produits interdits à l’exportation et à l’importation :
- les armes et les technologies pouvant servir à la répression ;
- les matières premières : gaz, pétrole ;
- les produits chimiques ;
- les œuvres d’art ;
- toutes les transactions financières avec les banques syriennes, y compris la Banque centrale.
Plus de 200 sociétés et proches du régime syrien sont sur une "liste noire", visés par ces sanctions.
Un business autour de l'aide médicale : révèle le en 2016, le journal The Guardian révèle que 8 agences de l’ONU ont distribué pour plusieurs milliards de dollars d’aide, détournés par des structures contrôlées par le régime de Damas.
Des parlementaires contre l'embargo culturel
Dans la pratique, des entreprises européennes proposent déjà leurs services. En août 2017, à la foire de Damas, 9 d'entre elles sont présentes (italiennes, allemandes, tchèques, anglaises et françaises).
Lobbying au Conseil de l’Europe
Depuis le début de la guerre en Syrie, les Russes ont tout fait pour desserrer l’étau de l’embargo, y compris du lobbying dans les couloirs des assemblées européennes.
"Curieusement, les personnes qu’on trouve dans ce réseau sont les mêmes qui sont conciliants avec l’Azerbaïdjan sur les droits de l’Homme, qui ont des liens étroit avec le Kremlin et qui voyagent à Damas à des moments clés !"
"En temps de guerre, on prépare la suite"
Les entreprises françaises ont toutes quittées la Syrie, sauf le cimentier Lafarge, aujourd’hui poursuivie par la justice. Les entreprises font désormais très attention. Mais la reconstruction est un marché juteux, estimé, selon certains experts, à 400 milliards de dollars. Pour les grosses entreprises, il est donc importer de « placer ses pions »…
Les sociétés impliquées : La société "Anticip" , la société Sanofi en Syrie et le cabinet franco-libanais SRDB ...:
A qui profite l’embargo ? C’est un peu le même scénario qu’avec l’embargo contre l’Irak, en 1991, estime l’ancien président de MSF, Rony Brauman.
"L’embargo irakien a été une catastrophe. Il a servi au régime lui-même. C’est la même chose avec le régime syrien". Le médecin constate qu'historiquement, "les embargos n’ont que très rarement produit des effets conformes à ceux qui étaient recherchés. (…) Au nom de la préoccupation honorable de sauver des vies, on raffermit le contrôle du régime sur les populations, alors que c’est exactement ce qu’on cherchait à éviter."
En conclusion, à qui profite l’embargo ? C’est un peu le même scénario qu’avec l’embargo contre l’Irak, en 1991, estime l’ancien président de MSF, Rony Brauman. "L’embargo irakien a été une catastrophe. Il a servi au régime lui-même. C’est la même chose avec le régime syrien". Le médecin constate qu'historiquement, "les embargos n’ont que très rarement produit des effets conformes à ceux qui étaient recherchés. (…) Au nom de la préoccupation honorable de sauver des vies, on raffermit le contrôle du régime sur les populations, alors que c’est exactement ce qu’on cherchait à éviter."
Syria's civil war, qui en est à sa septième année, a tué des centaines de milliers de personnes et provoqué la pire crise de réfugiés au monde, chassant plus de 11 millions de personnes de leurs foyers.
Dans son 2018 Humanitarian Needs Overview on Syria, publié la semaine dernière, l'ONU a déclaré que l'ampleur et la gravité des besoins à travers la Syrie restent écrasantes. Quelque 13 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, dont 5,6 millions dans le besoin aigu en raison d'un accès limité aux biens et services de base.
Sur les 5,5 millions de Syrian refugees dans le monde, dont la plupart restent dans les pays voisins, un nombre très limité est retourné en Syrie. En 2017, environ 720 000 personnes sont retournées dans leur zone d'origine.
Analyse.
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Indigné révolté
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