Dans notre dossier : un documentaire qui décrypte la forte présence militaire américaine sur le continent et l'envers des récentes opérations militaires en Libye et au Mali, des repères géographiques et chronologiques sur cette guerre au Sahara, et une infographie sur l'internationale jihadiste.
Pour l'Ancien directeur à la Banque mondiale et à l’Agence française de développement (AFD), conseiller de plusieurs gouvernements africains, Serge Michailof est engagé depuis près de quarante ans dans les questions de développement. Dans son dernier livre, Africanistan. L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? (Fayard, 2015), il dresse un parallèle entre la situation au Sahel et en Afghanistan
Le problème majeur : Le soutien inconditionnel de l'occident a des régimes corrompus aux nom de la stabilité et de la lutte contre le terrorisme alors que c'est même régime ont facilité le développement de l'intégrisme islamistes ou salafistes aux nom de leurs controles de leurs population. C'est ce que révèle le Monde :
Niger : « Nos armées n’ont pas encore convaincu » dans la lutte contre les djihadistes
Pour le ministre nigérien de la défense, les rivalités communautaires, le manque de confiance en l’Etat et les trafics illicites profitent aux terroristes.
Propos recueillis par Frédéric Bobin (Niamey, envoyé spécial)
LE MONDE Le 13.11.2017 à 11h43
La bande sahélo-saharienne est au cœur des préoccupations sécuritaires des pays occidentaux mais les moyens engagés sont-ils à la hauteur de l’enjeu ? Alors que la force régionale du G5 Sahel se met en place et que des enquêteurs américains se sont rendus, dimanche 12 novembre, sur le site où quatre de leurs soldats ont été tués début octobre, le ministre nigérien de la défense, Kalla Moutari, s’exprime dans un entretien au Monde Afrique.
Kalla Moutari estime que les forces armées nigériennes ainsi que celles de pays alliés, tels que la France et les Etats-Unis, ne sont pas parvenues à « faire la différence » dans le combat contre les groupes djihadistes qui opèrent à la frontière avec le Mali.
En un mois, deux attaques djihadistes le long de la frontière du Niger avec le Mali ont fait 22 morts parmi les forces de sécurité, dont quatre membres des forces spéciales américaines à Tongo Tongo le 4 octobre. Comment expliquer la fragilité de cette frontière ?
Kalla Moutari Les communautés de cette région [Peuls et Touaregs du groupe Daoussahak] ont développé une rivalité. Elles se renferment sur elles-mêmes, elles se protègent. Dans ce contexte, la lutte antiterroriste devient particulièrement difficile.
Le 21 octobre, treize gendarmes ont été tués à Ayorou, dans la région de Tillabéri (nord-ouest). Comment les assaillants ont-ils pu opérer une telle incursion et repartir au Mali voisin sans être inquiétés ?
Une des explications n’est-elle pas le défaut de coopération de la population locale ?
Il n’y a pas vraiment d’adhésion idéologique au projet djihadiste dans cette région. Il y a du trafic, du banditisme, des intérêts partagés autour d’activités illicites. Et il y a aussi la peur. Les terroristes liquident ceux qui leur résistent. Quand une armée ne protège pas, les gens tendent à ne pas s’exposer. Le jour où l’armée arrivera à protéger, la population collaborera, elle nous prêtera main-forte. Nous avons impérativement besoin de rassurer la population. Nous ne sommes pas encore adaptés à cette guerre qu’on nous impose.
Que pensez-vous du type de coopération que vous avez nouée avec vos partenaires français et américains ?
Nous attendons de nos amis qu’ils nous aident à mieux équiper nos armées, à partager les renseignements et à mieux former nos hommes. Pour le reste, on s’en occupe.
Suggérez-vous que le partage du renseignement est insuffisant ?
Nous souhaiterions un partage plus franc des informations.
Au Sahel, une union compliquée
Selon Paris, la force régionale G5 Sahel, qui regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, est une « opération pilote » pour une défense africaine. Entre Paris et Bamako, de la friture sur la ligne antiterroriste Principal soutien des armées sahéliennes luttant contre les djihadistes, la France doit aussi faire face à la défiance des gouvernants de la région, décrypte le chroniqueur du Monde.
Signe des difficultés que cette toute nouvelle initiative militaire régionale éprouve encore pour s’imposer, le Sénégal a mis son veto à la venue de l’officier malien. « C’est une histoire entre militaires, une décision traduisant la mauvaise humeur du Sénégal qui se considère comme un des piliers des pays du Sahel et qui a du mal à accepter de ne pas faire partie de la force conjointe, regrette une source française. Cela démontre une nouvelle fois qu’ils ont du mal à coopérer totalement alors qu’ils sont confrontés à la même menace de groupes djihadistes. »
La question du budget
Les premiers enseignements de l’opération placée sous le nom de code « Hawbi », essentiellement destinée à montrer que le G5 existe, ont pourtant démontré les faiblesses structurelles de cette force conjointe. Il reste du chemin à parcourir avant que cette dernière, qui pourrait réunir jusqu’à 5 000 hommes, ne devienne réellement autonome et opérationnelle.
Paris veut sortir « Barkhane » du piège malien
L’opération française veut évoluer vers des missions de contrôle de zone pour tenter de rassurer les populations.
La plus importante opération extérieure française va rester déployée encore longtemps, les responsables français de la défense en conviennent. « Mais il ne s’agit pas non plus de rester trente ans au Mali », dit-on dans l’entourage de la ministre, Florence Parly. Aujourd’hui, « Barkhane » compte 4 500 hommes avec les forces spéciales, 500 blindés, des moyens aéromobiles et de renseignement importants, et une logistique à flux tendus sur un territoire de la taille de l’Europe
« Nous allons passer à une mission de contrôle de zone dans la durée », précise le général Guibert. Jusqu’alors, « Barkhane » remplissait sa mission de contre-terrorisme à grand renfort de renseignements techniques et d’opérations coups de poing lancées contre les groupes armés depuis plusieurs postes disséminés au nord du Sahel, en Mauritanie, au Mali, au Niger et au Tchad. Ce modèle, outre qu’il nécessite beaucoup de moyens, s’essouffle. Car « l’ennemi est beaucoup plus dilué, il a adapté ses actions, et nous avons du mal à identifier des katibas [groupes armés],réduites à une dizaine de combattants », souligne le commandant de la force. En outre, l’insécurité s’est enkystée au centre du Mali.
Zone sensible
Le fossé qui existe entre une armée ultramoderne – celle de l’ancienne puissance coloniale – et une armée à terre – celle du pays hôte – ne peut que nourrir de la frustration et de profondes blessures d’amour-propre. Comme lorsque les autorités de Bamako demandent discrètement à « Barkhane » de bien vouloir lui restituer les armes saisies lors d’une opération antiterroriste, et dont le numéro de série révèle qu’elles avaient auparavant été dérobées à ses soldats par les djihadistes.
Mais Bamako n’a pas le monopole de la défiance. Ainsi, quand « Barkhane » a proposé récemment son aide au gouvernement d’Idriss Déby pour le déploiement de ses forces dans l’extrême nord du pays, dans le secteur de Wour, à la lisière de la frontière avec la Libye, le pouvoir tchadien a poliment décliné l’offre. Comme s’il souhaitait éviter que l’armée de l’ex-puissance coloniale ne pose ses bottes – et ses yeux – dans cette zone sensible, sous la coupe des trafiquants.
Au cœur du Sahel, Paris doit livrer une autre bataille, des plus délicate, avec ses alliés, celle de la confiance.